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  • Hélène

Phnom Penh, entre espoir et barbarie


Nous arrivons à Phnom Penh sans même nous en rendre compte. Les bus se suivent et ne se ressemblent pas. Mini-van tout confort pour ce trajet-là, dans lequel nous sommes tous seuls comme des princes. On n'a rien demandé pourtant! Sur cette route paisible, les enfants lisent et épuisent leur stock de livres que nous transportons non pas dans nos sacs à dos, mais sur liseuses. Je me félicite d'en avoir achetées deux avant le départ. J'avais pensé un moment qu'une seule suffirait et qu'ils pourraient se la prêter. Ç’aurait été une bien mauvaise idée. Si les séances d'école ne sont pas toujours évidentes à caser (entre les visites, la chaleur, la grippe...), au moins la lecture est quotidienne. Et avec plaisir. Enfants lecteurs, parents heureux!




A Phnom Penh, nous retrouvons la chouette famille toulousaine croisée au Myanmar. Ils ont fait le Vietnam pendant que nous étions au Laos, nous nous retrouvons avec plaisir pour quelques jours dans la capitale. Nous visitons ensemble l'ONG Pour un Sourire d'Enfant, créée il y a 23 ans par Marie-France et Christian des Pallières. C'est pour moi une visite toute particulière, empreinte d'émotion car, sans le savoir, Marie-France et Christian des Pallières m'ont inspiré depuis mon plus jeune âge. Dans les années 70, ils sont partis avec leurs 4 enfants de 6 à 12 ans à bord de Nainbus, leur camping car, voyager pendant 18 mois sur les routes du monde. Partis de Paris, ils sont allés jusqu'en Inde en passant par la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan, le Pakistan... De cette épopée, ils ont écrit un livre passionnant "Quatre enfants et un rêve ", que j'ai dévoré quand j'avais à peine 12 ans. Premier livre (d'une looonnngue série jusqu’à aujourd'hui) que j'ai lu sur le voyage et la réalisation de ses rêves. Depuis, il est toujours dans ma bibliothèque, il m'a suivi dans mes dizaines de déménagements et je l'ai relu 3 ou 4 fois tellement j'aime l'énergie qui en émane. Cette famille m'a inspirée!


Aujourd'hui à Phnom Penh, nous venons visiter l'école qu'ils ont créée quand, jeunes retraités en voyage au Cambodge, ils ont vu l'horreur dans la décharge à ciel ouvert. Des enfants, en guenilles et pieds nus dans les montagnes de déchets, au milieu des immondices et d'une bouillie infâme, cherchent à récupérer ce qui est revendable et se nourrissent d'ordures. Le couple ne peut pas rester sans rien faire. Quand ils demandent aux enfants ce dont ils ont besoin, ceux-ci leur répondent:" Un repas par jour. Et aller à l'école". L'association Pour un Sourire d'Enfant était née.

Aujourd'hui c'est plus de 6000 enfants (!) qui sont pris en charge, "de la misère à un métier". C'est aussi plus de 600 salariés Cambodgiens (professeurs, formateurs, médecins, psychologues, assistants sociaux, informaticiens, techniciens de maintenance, employés administratifs, personnel de cuisine...). Apolitique et non-confessionnelle , l’association intervient dans le respect du pays, en collaboration avec les Cambodgiens.

Je suis bluffée par un tel engagement, une telle énergie, un tel succès. Une histoire qui force le respect. Un exemple que j'admire. Une source d'inspiration et d'espoir.






Après quelques ploufs rafraîchissants dans la piscine de notre hôtel, où Anatole se lance pour la première fois tout seul dans le grand bassin!, nous abandonnons nos enfants pour la première fois depuis 5 mois. Activités séparées pour les petits et les grands. Les premiers restent à l'hôtel avec leurs copines toulousaines, pas malheureux pour un sou. Les seconds se lancent dans la visite d'un lieu tragique de l'histoire de Cambodge: la prison S-21, ou musée du génocide.

C'est la claque. La visite de cette ancienne école, transformée par les Khmers Rouges en lieu de détention et de torture, permet de prendre conscience de la folie et de la barbarie de ce régime, de la tragédie qu'ont vécue les Cambodgiens pendant ces années sombres et des plaies qu'ils ont aujourd'hui à panser. Les Khmers Rouges, au pouvoir de 1975 à 1979, ont ravagé le pays: ils ont abolis l'école, torturé et exterminé les "lettrés", déporté tous les autres aux travaux forcés dans les champs. Ils ont affamé la population, tué 1,7 million de personnes (soit 20% de la population de l'époque), dont 20'000 rien que dans la prison que nous visitons ici. Les conditions de détention sont inhumaines, les supplices subis atroces. Je n'arrive pas à comprendre comment l'être humain peut infliger pareils sévices à ses pairs. Comment une telle barbarie est-elle possible? Ne sommes-nous pas tous frères? Cela dépasse l'entendement. C'est tout simplement incompréhensible.


Déambuler dans ces murs, voir ces lits de tortures, pénétrer dans ces cellules, observer ces visages pris méticuleusement en photo pour documenter chaque victime... est profondément brutal, perturbant, bouleversant. Insoutenable même. Je n'en peux plus. Je dois parfois sortir prendre l'air pour faire une pause dans le défilé des horreurs qui s'étalent sous mes yeux.

C'est le cœur lourd, la gorge nouée et les yeux rouges que je ressors de ce lieu. La colère au ventre aussi, car ce que je viens de voir fait écho à ce qui se passe aujourd'hui encore dans certaines régions du monde, certaines pas si lointaines d'ailleurs, sans que personne ne fasse rien. Et dans 20 ans il y aura un musée pour dire "Plus jamais ça"... L'Homme n'apprend-il donc jamais?




Nous retrouvons nos enfants restés à l'hôtel et ils nous redonnent du baume au cœur. La vie continue, la nôtre y compris. Nous décidons donc, ou plutôt renouvelons notre décision, de profiter de chaque instant, de savourer chaque journée! Nous avons la chance d'être en bonne santé, d'être ensemble pour vivre cette aventure hors du commun, et nous mesurons la chance que nous avons. Les petits tracas quotidiens, les soucis futiles, les problèmes matériels de deuxième ordre... relayés au second plan! L'essentiel n'est pas là. Toute petite déjà, demandez à mes parents, quand ils se fâchaient ou étaient contrariés par une "bêtise" que j'avais faite, je leur répondais: "Mais Maman, Papa, c'est pas un problème grave de la vie!"

Aujourd'hui même chose. Le voyage a cela de bon qu'il aide à relativiser. Allez, soyons fou, concentrons nous sur l'important! Osons réaliser nos rêves ! On ne vit qu'une fois!

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